## Numérique, environnement et transition écologique : faisons le point ## Qui suis-je ? [@romain_letabli](https://twitter.com/romain_letabli): **Formateur, développeur, médiateur numérique**. L'Établi Numérique a pour mission de permettre à tout le monde de s'approprier les enjeux sociaux du numérique, et l'environnement en fait partie. ## Des affirmations pour commencer *"Pour l'environnement, il ne faut mieux pas imprimer ses mails"* <!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="1" --> *"L'enjeu du numérique dans l'environnement, c'est surtout d'arriver à 100% d'énergies renouvelable"* <!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="2" --> *"Le numérique et l'environnement, c'est surtout une question pour les entreprises"* <!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="3" --> ## Le numérique, les nuages et les métaux ### Partons d'un exemple En 2019, Internet a été coupé complètement par le gouvernement iranien pendant une semaine entière suite à des manifestations massives contre le prix de l'essence.<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="1" --> **Pourquoi c'est possible ?**<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="2" --> <img src="cables.png" alt="Carte câbles sous-marins" width="75%"/> C'est possible parce qu'Internet s'appuie sur un réseau de câbles. Il s'agit bien de câbles physiques, donc : * il peuvent être coupés si on y a accès * pour des raisons financières et techniques, ils ont tendance à être centralisés à l'échelle d'une région, d'un pays ou d'un continent * il faut une maintenance constante pour garantir que tout continue à fonctionner Sans l'infrastructure des câbles, pas de données qui circulent entre les fameux nuages de "*l'informatique en nuages*". Il n'y a pas que les câbles. Pour qu'il y ait numérique, il faut qu'il y ait des ordinateurs. Les ordinateurs, ce sont des machines bien concrètes, avec des composants sophistiqués demandant : * beaucoup de matériaux pour leur fabrication * de l'énergie pour continuer à fonctionner <img src="dIII4.jpg" alt="L'intérieur d'un datacenter" width="75%"/> En pratique, ça ressemble souvent à ça <img src="matériaux smartphone.png" alt="Matériaux smartphone" width="75%"/> Toutes ces machines utilisent énormément de matériaux pour leur production. Le numérique c'est généralisé à un moment où la mondialisation naissait (à partir des années 70). Très vite la production de composants électroniques a impliqué des entreprises dans le monde entier : * Matériaux rares en Chine, en Afrique ou en Amérique du Sud<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="1" --> * Design et recherche en Europe et aux USA<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="2" --> * Fabrication des composants eux-mêmes en Asie<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="3" --> Produire un téléphone Apple, par exemple, implique donc que des grandes quantités de matières premières circulent un peu partout dans le monde et que les produits finis arrivent ensuite aux consommateurs que nous sommes.<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="1" --> **Toute cette circulation a aussi un coût écologique.**<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="2" --> **Plus qu'un nuage, le numérique est donc une infrastructure physique**, comprenant : * les lieux d'extraction des matières premières * les lieux de fabrication des ordinateurs eux-mêmes * leurs réseaux de distribution * les réseaux de données qui permettent aux données de circuler C'est toute cette infrastructure qui fait que le numérique a un impact écologique. ## Évaluer l'impact du numérique, ce n'est pas évident Quand on parle "*d'impact environnemental du numérique*", on parle de trois choses distinctes : * l'émission de gaz à effet de serre (qui génèrent du réchauffement) * la consommation en eau * la consommation en ressources non-renouvelables (métaux, pétrole, ...) Certains outils tentent de générer un chiffre en équivalent CO2 à partir de ces différents indicateurs, il faut faire attention aux hypothèses à ce moment-là. ### Questions à se poser Numérique ou pas, toute évaluation environnementale pose un certain nombre de questions : * Est-ce qu'on évalue tout le cycle de vie ou seulement une partie ? * Comment est-ce qu'on "*attribue*" telle ou telle activité au numérique et pas ? Mais le numérique vient poser d'autres questions plus spécifiques : Certaines activités numérique viennent remplacer d'autres activités, comment tenir compte de ça ? La reproduction et la copie exacte de données numériques est possible et très simple au niveau technique. Comment compter l'impact à ce moment-là ? Au moment de la première production ou de la reproduction ? Avec le second mode de calcul, on compte plusieurs fois certaines choses. Par exemple, une vidéo Youtube plus visionnée aurait moins d'impact qu'une vidéo moins visionnée puisque l'impact est amorti sur plus de visionnages. Si on adopte le premier mode de calcul, on ne peut pas faire de chiffrage simple, donc on fait des moyennes. Or, les moyennes c'est très abstrait et ça peut cacher des différences énormes. Plus on cherche un obtenir un chiffrage précis par utilisateur et/ou par activité, plus **on fait des choix et des hypothèses qui peuvent être discutées et donc plus les chiffres peuvent diverger**. # Quelle synthèse de tout ça ? ## Sources [GreenIT](https://www.greenit.fr), un réseau d'acteurs experts de la sobriété numérique [The Shift Project](https://theshiftproject.org), un "*think tank qui oeuvre en faveur d'une économie libérée de la contrainte carbone*" [Ademe](https://www.ademe.fr), l'agence de la transition écologique Les méthodologies ne sont pas toujours les mêmes, ça donne un panorama. La fin de vie (recyclage, dépollution, ...) n'a pas un impact énorme. ### Les datacenters On a beaucoup parlé de la question des datacenters et de leur impact écologique. Ils sont de plus en plus nombreux, mais vu qu'ils ont un intérêt économique fort à être les plus efficients possibles, ils sont très en avance sur les bonnes pratiques. ### Le réseau Le réseau un impact de plus en plus fort car la consommation de données augmente énormément, de l'ordre de 20% en plus par an. Le débat sur la 5G peut aussi se comprendre sous cet angle : la 5G, c'est plus de débit, c'est donc plus d'usage réseau. **Malgré cette augmentation, tout le monde s'accorde à dire que le réseau n'est pas la source majoritaire d'impact.** ### Les terminaux L'essentiel de l'impact se fait au niveau des utilisateurices finaux : terminaux et usages (**entre 64% et 91% en fonction de la méthodologie**) Plus précisément encore, **l'essentiel de l'impact se fait au niveau de la fabrication**. Quand un terminal est livré à notre porte prêt à l'emploi, l'essentiel de son impact a déjà eu lieu. En particulier, **la taille des écrans est un paramètre crucial**. Il démultiplie à la fois : * la consommation de ressources au moment de la production, * la consommation d'énergie * et la consommation réseau. Il ne faut pas négliger le poids des télévision et des box. Elles consomment beaucoup de ressources et sont présentes partout (**22 à 65% des impacts en fonction des méthodes**). # Maintenant, on fait quoi ? Une fois dit tout ça, que faire ? ### Des grands axes * Diminuer la quantité d'écrans et leur taille<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="1" --> * Allonger la durée de vie des équipements existants<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="2" --> * Favoriser le réemploi <!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="3" --> * En finir avec la logique de l'illimité<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="4" --> * Travailler l'ecoconception<!-- .element: class="fragment" data-fragment-index="5" --> Une partie de ces élements sont des questions de choix individuels de consommation, mais d'autre ne le sont pas. Par exemple, le réemploi n'est possible que s'il est facile de réparer les équipements et qu'il existe un écosystème de pièces de rechange avec des acteurs variés sur tout le territoire. Il faut aussi que les utilisateurices ne soient pas bloqués dans des écosystèmes fermés, pour pouvoir passer d'un équipement à un autre sans problème. Les constructeurs d'équipement n'ont pas du tout intérêt à ces allongements de durée de vie et à cette possibilité du réemploi, donc **le rôle de la régulation est fondamental pour s'assurer qu'un écosystème puisse se construire**. De la même manière, les logiques d'écoconception supposent de **prioriser d'autres critères que l'efficacité économique** lors de la production de produits numériques. C'est difficile à envisager sans contraintes sur les entreprises du secteur. Dans tous les cas, nous devons **sortir d'une vision du numérique comme un espace désincarné et illimité**. Chaque action numérique a un coût écologique réel, et **des choix doivent être fait au niveau de la société pour prioriser les usages**.